"Q. - Est-ce que des facteurs conjoncturels pèsent dans les résultats du sondage, comme l’actuelle guerre au Mali ou encore l’affaire Mohammed Merah ?
"R. - On peut dire que c’est conjoncturel, mais c’est un conjoncturel qui commence à perdurer. Vous auriez pu par exemple me poser la même question au moment de l’affaire du voile. Je vous aurais répondu la même chose : Oui. Cela va faire longtemps que dans le paysage médiatique, on retrouve des affaires mettant en cause la question de l’expression de l’islam dans la vie publique. Il y a une responsabilité des bulles médiatiques qui se font autour de ce sujet. Je peux citer par exemple l’histoire de Liès Hebbadj, mis en cause par l’ancien ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux parce que sa femme conduisait voilée. Ensuite, on avait agité le chiffon rouge du musulman qui fraude par ailleurs les allocations. On avait affaire à des amalgames absolus, alors qu’en définitive, ce personnage ne représentait rien d’autre que lui-même ! Aujourd’hui, il n’y a plus du tout cette même orchestration médiatique de sous faits-divers. Mais la société française a été durablement traumatisée par une exposition de la problématique musulmane particulièrement conflictuelle et belliqueuse. Aujourd’hui, nous avons un gouvernement qui recherche plus l’apaisement que la confrontation, qui a moins vocation à trouver un bouc émissaire facile, mais la société me semble néanmoins durablement traumatisée.
"Q. - Vous parlez de responsabilité médiatique : quelle est celle de la classe politique ?
"R. - Il est certain que l’un alimente l’autre. Pour parler purement du politique, on voit qu’une ambigüité d’une partie de la gauche vis-à-vis des religions en général, comme chez le Parti Communiste, peut malheureusement rencontrer une critique pour le coup nettement plus essentialiste, voire carrément raciste, de la part de l’extrême droite. Il existe des positions de principe idéologiques qui rejoignent l’ordre des représentations sur lequel repose d’ailleurs l’enquête. Mais à l’inverse, quand vous regardez les responsables politiques qui cherchent à ce que les choses se passent correctement et sans conflit, ils trouvent des solutions. En réalité, le conflit est dans l’ordre du principe et c’est facile. Médiatiquement, c’est facile, un bouc émissaire, c’est facile. Mais en revanche, quand on décide de s’atteler à comment résoudre la coexistence de chacun avec tous, on trouve des solutions. Il y a une sorte de dichotomie entre l’ordre du principe et celui de la pratique. Et cela suppose un engagement responsable des politiques."